Elsa Guérin - Studio Phantôm

AVALANCHES– CYCLE DE RÉSIDENCES LABORATOIRE – SAISON 2023-24

Note d’intentions

J’ai souhaité initier un cycle de résidences laboratoires pour remettre en jeu mon rapport au processus créatif en tant que jongleuse, s’extraire des habitudes et des réflexes liés le plus souvent à une entrée en recherche et en création par la pratique, et trouver d’autres chemins.

Par ‘’laboratoire’’, ce qui est proposé, c’est replacer la nécessité artistique dans le champ de l’expérimentation, sans objectif de résultat immédiat, s’autoriser à chercher vraiment. En même temps, on questionne le fait de ‘’produire’’, d’ajouter encore à ce qui existe déjà, et on tente de palier par cette jachère à la surproduction (de propositions, d’informations, de spectacles…).

Cela s’envisage dans un idéal avec l’accompagnement de plusieurs partenaires, sur plusieurs territoires, et l’invention de formes et de ramifications diverses. Le partenariat avec l’Avant-Scène à Cognac (en tant qu’artiste associée), et un certain esprit partagé avec le directeur du théâtre, Stéphane Jouan, et avec l’équipe, m’a incitée à leur proposer ce projet et à l’initier avec eux.

La question du format s’est imposée comme autant nécessaire à être définie que celle du contenu. J’ai imaginé un cadre dans lequel j’inviterai des personnes avec qui j’envisage pouvoir partager : un temps, un espace, des pratiques, des expérimentations, et des questions qui me préoccupent actuellement pour les faire rencontrer possiblement leurs propres questions.

Ces questions concernent la représentation du jonglage et toutes les dimensions pour l’ouvrir à la lisière d’autres arts.

Je souhaiterais dans ces laboratoires me pencher sur l’articulation entre récit et acte physique (cirque, jonglage, danse, gestes), entre corps, mouvement, voix, son, musique, parole, sur le rapport entre mouvement, musique et transe, et sur les possibles effets bienfaiteurs, guérisseurs, voir conjuratoires et même apotropaïques (si l’on y croit), de ses pratiques conjuguées (voir page suivante).

Cela fait suite au chapitre ouvert avec ma pièce SEDMO sur l’intérêt de célébrer, au sens d’actualiser, des images du passé, en les faisant réapparaître, et à la dimension spirituelle – tout au moins métaphysique - , d’un tel acte, qu’il s’agisse de jonglage, de danse, de musique ou de théâtre, que je nommais ‘’rituel de guérison’’.

Ce chemin me conduit à vouloir interroger le lien à la transe, à l’état second, qui découle de ma pratique même du jonglage et du mouvement, dans son lien à la répétition, à la durée, et à la musique, qu’elle se déploie sur les plateaux des théâtres ou dans les salles de pratique, et en d’autres occasions nocturnes où la danse libre collective n’est pas une simple récréation mais une célébration, une réitération des fêtes orgiaques, une réactualisation de rituels ancestraux, et parfois une recherche de transe.

A la différence peut-être, d’une perception actuelle plus aigüe de l’entropie, d’un monde qui s’écroule, d’une civilisation en déclin, de l’avalanche de catastrophes qui s’abat sur l’humanité (ou que l’humanité fait s’abattre sur la Terre), et que l’on danse, chante et jongle aussi aujourd’hui sur notre malheur.

‘’ Le mot continue à faire peur en Occident car la transe a la réputation sulfureuse d’être une manifestation du diabolique. Pourtant, les danseurs modernes ne font rien d’autre que reconnaître à la danse l’antique fonction qu’elle avait déjà au paléolithique, de conduire à la transe, qu’ils ne considèrent pas comme un état surnaturel. » (La transe et le surmoi, France Schott Billmann)

Mon intérêt à étudier dans quelle mesure le jonglage, dans son rapport à la musique notamment, peut conduire à la transe lui-aussi, et si cela était son antique fonction, sera de toute évidence le terreau d’une prochaine création.

Constituer une trace de chacun des laboratoires fera partie intégrante du processus et pourra prendre des formes diverses et composées : présentation/rendu avec une invitation au public (description du processus, récit d’expérience et/ou présentation performée), autres médias (écrits, enregistrements sonores, vidéos) … et autres choses à inventer, aussi avec les partenaires.

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