L'oral et Hardi | Jacques Bonnaffé
Cie Faisan
L'oral et Hardi regroupe quelques grands textes étonnants de Verheggen, ses odes homériques, ses harangues, ses transes linguistiques, ses morceaux de brave homme, ses discours manifestes. Jean-Pierre a le goût du grand souffle épique, même quand ses thèmes ont allure de jeux de mots.
Marcel Moreau a raison d’écrire qu’il est « une sorte de bienfaiteur » et d'ajouter : « pourtant, il a de quoi faire peur, avec son couteau à découper le vocabulaire, avec sa scie à tronçonner la syntaxe, avec ses tâches de grammaire sur son tablier. Mais voilà, ce n’est pas un boucher. »
Verheggen s’est lancé depuis quarante ans dans la grande aventure de l’ouissance. Poète phénomène, poète énergumène, il est l’inventeur d’un genre nouveau, l’opéra bouche.
— Jacques Bonnaffé
« Rapeurs, slameurs, encore un effort pour être poètes !
C'est vrai personne ne désire vous en empêcher. Parlez jeunes gens, parlez, parlez même d'abondance, chatez, slamez, tchatchez, rapez en cadence, breakez en transes,que sais-je?
Exprimez vos différences! Y compris celles qu'il y a entre ces différents genres !
Parlez cité, parlez quartiers, parlez banlieues, parlez moins mieux, parlez périph- aux risques et périphs de vous ghettoïser ! -parlez comme bon vous semble, parlez comme vous parlez ensemble, parlez comme on parle entre bande. Parlez même par la bande !
Parlez verlan si ça vous chante mais parlez verlan comme l'aurait fait Paul Verlaine en son temps, parlez-le en poètes, parlez en Paul Verlan tant qu'à faire! Creusez vous la tête ! Ecrivez !
Insistez ! Récrivez ! Bossez d'arrache-vers et d'arrache-pied tout en faisant de la langue un travail et une fête ! Tout en exubérance autant qu'en patience. Y a pas le feu de ce côté même s'il y a quelques urgences ! Abandonnez donc ce style pompier sur lequel trop de vos textes se balancent ! Commencez par vous en débarrasser ! Prenez vos distances par rapport à ceux qui à l'opposé des respectables sapeurs de métiers ne mériteront jamais que d'être appelés de lamentables rapeurs ou slameurs pompiers !
Sachez vous en distinguer !
Refusez d'être de connivence avec ces arroseurs de pétards mouillés ! Refusez d'être complice de ces mécaniques branleurs de crimes essentiellement rythmiques ! Fuyez ceux qui s'en contentent ! Fuyez ceux qui nous assomment à coup d'approximatives assonnances ! Refusez d'être de simplistes déclineurs de truismes ou de médiocres dévideurs d'évidence ! Voire pire - pire de chez pire ! - de talentueux pondeurs de vers de batterie !
Evitez cette pandémie de grippe à vers qui jadis nous fit tant et tant rimer carambarre avec Maurice Carême et camembert dans nos cours d'école élémentaire !
Soyez plus sévères avec vous même! Soyez intransigeant jeunes gens !
Que vos Fleurs de Mail s'inspirent des Fleurs du Mal de Charles Baudelaire pour en faire un mixte contemporain des Fleurs de notre commun Mal-être »
Inédit, extrait du spectacle
Jacques Bonnaffé
Né à Douai en 1958, il choisit les grands écarts du théâtre au cinéma : de Jean-Luc Godard "Prénom Carmen" lorsqu'il est à peine sorti du Conservatoire de Lille à Jacques Rivette, avec des rôles sensibles dans Escalier C, Jeanne et le garçon formidable, Venus Beauté, Les amitiés maléfiques... Sautant sans jamais ralentir sur toutes les propositions qui défendent des textes originaux (Jean-Pierre Verheggen, Jean-Christophe Bailly), aimant l'exigence des choix quand Alain Françon monte Le petit Eyolf ou le travail de recherche avec JF Peyret, la création d'auteurs contemporains parmi lesquels Henning Mankell, Pierre Michon, Martin Crimp. Aimant dire à voix forte ses textes d'auteurs à la rue, dans un café de campagne comme une salle officielle imposante. Performeur, jongleur des mots, inventeur de banquets poétiques, metteur en scène (l'Oral et hardi) ou bretteur patoisant. Complice des musiques et du Jazz, souvent en duo baladeur avec Louis Sclavis, il multiplie les trouvailles au sein de Compagnie faisan (Molière de la Cie en 2009).
Il consacre une part importante à la poésie et aux lectures publiques, des auteurs contemporains parmi lesquels Valérie Rouzeau, Jacques Darras, James Sacré, Claude Ber, Verheggen, Ludovic Janvier. Multiplie les formes d’intervention, d’installations sonores, banquets, concerts et créations originales sur ce mode littéraire.
A PROPOS DE JEAN-PIERRE VERHEGGEN
Né en 1942 à Gembloux en Belgique. Ex professeur de français, ex-animateur radio belge, ex-membre de l’ex-groupe littéraire TXT (Rennes, Paris, Rome, Berlin, Nice et Bruxelles). Ex-sex symbole des années soixante, ex-conseiller du Ministre de la Culture dans son pays. Jean-Pierre Verheggen vit dans la province de Namur et travaille actuellement à Bruxelles, à la Promotion des Lettres de la communauté française de Belgique. En 1995, il a reçu à Paris le Grand Prix de l’Humour noir pour l’ensemble de son oeuvre et plus particulièrement pour Ridiculum Vitae (La Différence, 1994) reparu et précédé d’Artaud Rimbur (1990) dans la collection Poésie/Gallimard (2001). Comme l’écrit André Velter « Jean-Pierre Verheggen n’a cessé de mener à bride abattue l’une des plus toniques chevauchées verbales des trente dernières années. Poète phénomène poète énergumène, il est l’inventeur d’un genre nouveau, l’opéra bouche ».
« Ainsi mon écriture remonte-t-elle au déluge. A ce vaste orage intérieur, fou et illlétré. » in degré Zorro de l’écriture.
Presse
"L’artiste par excellence
« L’Oral et Hardi », contrairement à ce que le titre suggère, n’est pas le spectacle d’un nouveau duo d’humoristes s’inspirant de célèbres prédécesseurs, mais un one-man-show. Un one-man-show pas vraiment ordinaire. Car, dans cette pièce surréaliste et drôle, créée en 2007, qui met en scène la fantaisie langagière du poète belge Jean-Pierre Verheggen, Jacques Bonnaffé s’y démultiplie avec la fougue et le talent cumulé d’une dizaine d’acteurs. Une prestation saluée par une nomination au molière du Meilleur Comédien 2009 et qui vaut vraiment le détour."
Trois coup. Lire la suite
Distribution
textes de Jean-Pierre Verheggen/Jacques Bonnaffé
mise en jeu : Jacques Bonnaffé
Jeu et mise en scène Jacques Bonnaffé
Scénographie Michel Vandestien
Lumières Orazio Trotta
Musiques Louis Sclavis, extraits de l’album La moitié du monde
Collaboration sonore Bernard Vallery
Régie générale Gaëtan Lajoye
Mentions
Production Compagnie faisan - Jacques Bonnaffé - Coproduction Théâtre Sénart, Scène nationale.